En Inde, l'extrême-droite boycotte Bollywood

10:35 - October 03, 2022
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Téhéran(IQNA)-La consolidation du nationalisme hindou et de la haine anti-musulmans sous l'égide du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata, a marqué un changement culturel. L'extrême droite s'attaque désormais à la plus grosse industrie de divertissement indienne.

C'est une adaptation Bollywood de Forrest Gump, Laal Singh Chaddha, qui s'est dernièrement attirée les foudres de l'extrême droite indienne, dans un contexte de haine et de violences grandissantes contre la communauté musulmane du pays.
 
Sur les réseaux sociaux, des militants et trolls hindou-nationalistes ont désormais engagé une bataille culturelle qui vise le produit le plus populaire de l'Inde, l'industrie de cinéma musical Bollywood, à travers des campagnes de boycott, qui commencent à avoir un impact sur le box-office.

Le producteur de Laal Singh Chaddha, Aamir Khan, qui fait partie des superstars du cinéma hindi, avait dénoncé par le passé, à travers ses films et des déclarations publiques, la montée de l'«intolérance» en Inde. Ses critiques ont ressurgi à l'occasion de la sortie de son nouveau film, et ont donné prétexte à un acharnement des réseaux d'extrême droite, qui l'ont présenté comme faisant partie d'une «cabale pédophile anti-nationale et anti-hindoue qui prend votre argent pour vous détruire», tandis que des responsables politiques affiliés au Bharatiya Janata Party (BJP), le parti de Narendra Modi, l'accusaient de faire du «blanchiment d'argent» et de «glorifier le terrorisme».
 
D'autres films Bollywood sortis en 2022, comme Vikram Vedha, Dobaara, Shamshera et Brahmāstra, mais aussi des séries disponibles en streaming, comme A Suitable Boy et Bombay Begums, qui ont notamment représenté des romances interconfessionnelles, font également l'objet d'appels au boycott massifs et de raids numériques menés par des nationalistes-hindous.
 
L'actrice Swara Bhasker, qui a elle-même été au centre d'une campagne de harcèlement et a reçu des menaces de mort, explique: «Bollywood est une industrie où les musulmans sont représentés, et ont du succès, ce qui dérange la droite hindoue. Si un média de masse populaire de divertissement est si organiquement laïque, pluraliste et diversifié, alors pour faire avancer leur programme d'une nation hindoue et discréditer la laïcité, ils doivent discréditer ce média.»

Bataille culturelle
Déjà en 2020, une scène de la série A Suitable Boy, dans laquelle une femme hindoue et un homme musulman s'embrassent, avait déclenché l'ire de Narottam Mishra, ministre des lois du BJP, qui avait demandé à ce que des poursuites pénales soient engagées contre Netflix India pour avoir diffusé cette série.

Difficile cependant d'estimer l'efficacité de ces boycotts relativement aux chiffres du box-office, qui ont été très affectés par la pandémie de Covid-19. Sur les vingt-six grand films Bollywood sortis en 2022, vingt d'entre eux ont fait un flop, perdant la moitié ou plus de leur investissement.

Brahmāstra, de Ranbir Kapoor et Alia Bhatt, fait toutefois office de contre-exemple: ciblé par des critiques virulentes, il a malgré tout remporté un succès dans les salles. Pour le scénariste Hussain Haidry, le fait que le film mobilisait tout de même un fort symbolisme hindou explique qu'il ait pu in fine être épargné de la vindicte de l'extrême droite: «La campagne contre Laal Singh Chaddha a utilisé des motivations anti-musulmanes, qui n'ont pas pu être brandies contre Brahmāstra.»
slate

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