Burkina Faso: plus d’un demi-siècle au service du Coran

9:55 - April 18, 2018
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Dans le domaine de l’interprétation des sens des versets du Saint Coran en langue nationale, appélée « Tafsir », au pays des Hommes intègres, il fait office de pionnier. Cheick Adama Soro, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est plus qu’une référence en termes de longévité et de maîtrise de l’art et de la science de l’interprétation du Saint Coran en langue nationale mooré. 

A Nonsin où il est installé avec sa famille depuis 1980, il continue d’animer pendant le mois du jeûne musulman, Ramadan, des séances d’explication et d’interprétation de versets du livre saint de l’Islam à un public totalement acquis à la cause coranique. Mais d’où lui est venue l’idée du choix de cette branche jugée très délicate parmi les autres disciplines islamiques ? Pour comprendre ce grand engouement pour le Tafsir, il est nécessaire de remonter dans le temps pour suivre les premiers pas du Cheikh Soro dans le domaine de l’apprentissage puis de l’enseignement des sciences islamiques jusqu’à la création de sa propre école coranique alors qu’il était âgé d’à peine 25 ans. Cette année 2018, l’Ecole Coranique Cheick Soro Adama (ECCOSA), située au secteur 14 de Ouagadougou, célèbre les 62 ans de son existence. Retour au parcours atypique d’un maître coranique.

Né en 1943 à Kéléguérima-Yarcé, localité située à 25 km à l’ouest de Ouahigouya, province du Yatenga, Adama Soro a toujours eu, dès sa tendre enfance, un réel penchant vers l’enseignement islamique. Cet amour pour le savoir lui a été inculqué, selon ses dires, par son père au nom prémonitoire de Cheikh Soro. De l’ethnie Yarga, le fils du fondateur du village de Kéléguérima-Yarcé ou Yargo, c’est-à-dire le grand-père de Cheick Adama Soro, avait quitté son village natal, Rambo, aujourd’hui, une commune rurale située dans la même province du Yatenga. Du nom de Souleymane, ce patriarche aux nombreuses progénitures vouait un culte sans limite à la religion musulmane qu’il pratiquait assidûment à côtés de ses activités commerciales essentiellement centrées sur la vente de la cola et du sel. Il partait s’approvisionner dans l’actuel Ghana et retournait vendre ces deux grands produits dans son pays. Deux produits très prisés par les populations, car utilisés dans presque toutes les cérémonies aussi bien religieuses que sociales. Le petit et futur Cheick Adama Soro a, plusieurs fois, fait partie de la délégation qui se rendait au Ghana avec comme seul moyen de transport des ânes.

Enfance et Scolarisation C’est dans ce contexte particulier marqué par des activités religieuses et commerciales que l’enfant Soro qui devait également s’occuper des tâches ménagères de sa mère, en compagnie de son jeune frère Abdoulaye, a décidé de prendre le chemin de l’apprentissage avec les bénédictions de son père. Comme le hasard n’existe pas, une certaine prédisposition naturelle au métier de l’enseignement caractérisait déjà le comportement quotidien du jeune Soro. Celui-ci de tous les jeux qu’organisaient les enfants du village, seul le rôle d’enseignant avait toutes ses faveurs. Il n’hésitait pas, selon ses amis d’enfance, à enfiler une djellaba, un turban une canne et monter sur une élévation, prêt à prêcher la parole divine. Ce qui lui vaudra, d’être surnommé par ses camarades le Karansamba, c’est-à-dire l’enseignant. Un jeu d’enfants devenu trois décennies plus tard, une réalité.

Ayant constaté l’engouement de son fils pour le savoir islamique, le vieux Cheikh Soro décide alors de l’amener à San, un village situé à une dizaine de Kilomètres de Yargo. C’est là qu’il rencontrera le maître coranique El Hadj Abdoulaye Ouédraogo, surnommé « San Monré ». Ce fut pour le petit Soro une balade de santé, car en moins d’une année, il acheva la lecture intégrale du Saint Coran au grand bonheur et émerveillement de son maître. Son entourage était également étonné, car presque tous les élèves de son âge mettaient entre deux et trois ans avant de pouvoir terminer la lecture intégrale du Saint Coran composé de 114 sourates et tenant sur à peu près 600 pages.L’appétit venant en mangeant, le futur Cheick Adama Soro ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin. Il décida alors de poursuivre son aventure « instructive » en se rendant au Sahel burkinabè connu, à l’époque, c’est-à-dire dans les années 60-70, pour être un des berceaux des sciences islamiques de la Haute-Volta. Pour Adama Soro, finir la lecture intégrale du Saint Coran, était une bonne chose, mais en maîtriser les sens était encore mieux. Or, on ne trouvait pas sur place dans son environnement immédiat, des enseignants rompus dans l’art et la science de l’interprétation du Livre saint islamique. D’où le choix de Djibo, situé à plus de 200 km de Yargo. Pourquoi le choix de Djelgodji ? Djibo était connu pour son activité économique intense et la présence de grands savants musulmans dont la réputation avait traversé les frontières sahéliennes.Après avoir été introduit aux fondamentaux de la religion musulmane relatifs au dogme et à la jurisprudence islamiques, à la poésie et à la rhétorique arabes, il lui manquait un maillon essentiel dans la chaîne de la connaissance et de la maîtrise des sciences islamiques. Il s’agit de l’interprétation du Saint Coran, le fameux Tafsir. Le Coran qui a été révélé en langue arabe en l’an 610, après Jésus-Christ, n’était pas accessible, (comme l’ont d’ailleurs été les autres livres révélés, la Thora et la Bible), dans beaucoup de langues dans le monde. La traduction ou l’interprétation devenait alors la seule voie de compréhension et de propagation de ces messages célestes. A noter, que l’une des toutes premières traductions du Coran en langue française date de 1647, par André Du Ryer.L’apprentissage de cette science indispensable à la connaissance de l’Islam ainsi que les disciplines connexes, à savoir les sciences du Coran avec des sous matières comme, la connaissance des causes contextuelles de la révélation des versets, la science du partage de l’héritage, la connaissance de l’abrogeant et de l’abrogé, parmi les versets, la tradition prophétique, l’histoire islamique, pour ne citer que ceux-là, qui a duré quatre années, a donc mis le Cheick Soro sur le chemin du Machyakha. Dérivé du mot arabe, cheikh, le Machyakha est un titre attribué aux Cheick, comme l’imamat pour les imams.De retour dans son village natal à Yargo, le Cheikh Adama Soro fonde en 1966 l’Ecole Coranique Cheick Soro Adama. Si l’initiative est saluée par beaucoup dans le village et même au-delà, des velléités d’oppositions à peine voilées n’ont pas également manqué. Et au regard de l’accroissement continu de l’effectif de ses élèves, qui affluaient de tous les quatre coins de la région, et trouvant peut-être le cadre villageois un peu étroit, il décida alors de s’installer dans la capitale mais en continuant de garder les liens avec le village. Il s’y rend régulièrement, notamment pour les séances de prédications aux côtés d’autres activités sociales et familiales.

Un homme accessible
Depuis son installation à Ouagadougou dans les années 80, Cheick Adama Soro, polygame et père de plusieurs enfants, partage son temps entre dispenser les enseignements islamiques à ses nombreux élèves résidents et occasionnels, assister aux différentes cérémonies religieuses et prodiguer des conseils aux couples en difficultés. En cette année 2018, l’Ecole Coranique Cheick Soro Adama fête ses 62 ans au service de l’Islam au Burkina Faso.
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